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III. Heureux les doux car ils hériteront de la terre.
Il y a un ordre « logique » des béatitudes : Ie-mendiant-quant-à-I’Esprit va recevoir le don des larmes, et celui qui pleure va devenir doux. Celui qui tend vers Dieu ses mains vides va pleurer de son péché et du péché du monde; ses larmes vont l’adoucir (et paradoxalement l’affermir aussi) sous les critiques, les attaques d’autrui.
Il faut lire ici, comme en commentaire, le Psaume 37 :
« Ne t’irrite pas contre les méchants,
N’envie pas ceux qui font le mal…
Recommande ton sort au Seigneur,
Mets en Lui ta confiance, et Il agira…
Garde le silence devant le Seigneur et espère en Lui;
Ne t’irrite pas contre celui qui réussit dans ses voies,
Contre l’homme qui vient à bout de ses mauvais desseins.
Laisse la colère, abandonne la fureur;
Ne t’irrite pas, ce serait mal faire…
Le méchant emprunte, et il ne rend pas;
Le juste est compatissant, et il donne…»
C’est ce psaume qui dit en son verset 11 :
« Les doux (Ies’anavim) possèdent le pays
Et ils jouissent abondamment de la paix. »
Les «doux» (Ies’anavim] – on traduit souvent ce mot par « malheureux » (!), ou «patients », ou « misérables» – sont souvent mentionnés dans les Psaumes (ils font penser aux «Humiliés et offensés» de Dostoïevski) : Ps. 9:13 et 19; 10:12 et 17 ; 22:27 ; 25:9; 34:3; 69:33 ; 147:6; 149:4…
Á la suite et dans la communion du Christ « doux et humble de cœur » (Mat. 11:28) ils ne cherchent pas « la paix à tout prix ». Ils ne disent pas : « pas d’histoires ! », Leur douceur va avec la force (cf. les martyrs). « Mendiants-quant-à-I’Esprit », ayant reçu le don des « larmes », ils n’ont pas ce réflexe d’auto-défense, d’auto-justification qui amène l’homme naturel à avoir toujours pitié de lui-même.
II faut méditer ici le chapitre 2 des Philipiens (allez ! lisez !).
Il faut écouter l’apôtre Paul nous exhortant à « marcher d’une manière digne de la vocation qui nous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience» (Eph 4:1-2).
Il faut écouter l’apôtre Pierre :
« Christ a souffert pour vous, afin que vous suiviez ses traces, Lui qui n’a pas commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s’est pas trouvé de fraude, Lui qui, injurié, ne rendait pas d’injures, maltraité, ne faisait pas de menaces, mais s’en remettait à Celui qui juge justement » (1 Pierre 2:21).
La douceur, par rapport à Dieu, est soumission à sa volonté, par rapport aux hommes : ouverture.
Les doux – ces forts – « hériteront la terre », N’ayant rien ils ont déjà tout. «Toutes choses sont à vous », écrit l’apôtre Paul aux « saints » de Corinthe. Cet héritage est aussi eschatologique: « Si nous souffrons, nous régnerons aussi avec Lui », écrit Paul à Timothée.
La douceur est un fruit de l’Esprit (Gal. 5:23). Nous devons nous en revêtir (Col. 3:12).
IV. Heureux ceux qui ont faim et soif de justice car ils seront rassasiés.
Ce n’est pas en ayant faim et soif de bonheur que nous serons heureux, mais en ayant faim et soif de la justice de Dieu.
Celui qui a faim et soif de bonheur manque sa joie.
Celui qui a faim et soif de la justice trouve sa joie.
Avoir faim et soif de la justice c’est avoir faim et soif de la délivrance du mal sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.
Si je suis chrétien j’ai faim et soif de justification et de sanctification. J’ai faim et soif de marcher avec Dieu. J’ai faim et soif d’être conforme à l’image de Jésus-Christ. J’ai faim et soif de Jésus notre justice.
Avoir faim et soif, c’est avoir conscience d’un besoin primordial, capital, vital.
Quant on a faim et soif, on souffre, on cherche, on frappe, on demande.
« Comme un cerf soupire après des courants d’eau,
Ainsi mon âme soupire après Toi, ô Dieu!
Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ! »
Et ce même Psaume 42 parle de larmes et de joie.
Heureux celui qui a ainsi faim et soif !
L’Évangile le comble et le rassasie, le nourrit et le désaltère. Dans le Royaume qui vient, la Justice de Dieu remplira tout.
Note éditoriale : cet article est la deuxième partie [partie 1] d’un texte du pasteur Pierre Courthial publié dans ICHTHUS, n°3, mai 1970, sous le titre “Réflexions sur les béatitudes”