Note éditoriale : (re)découvrons des textes classiques avec ICHTHUS. Cette semaine, nous publions l’extrait d’un sermon sur le Psaume 85, versets 9 et 10, prononcé le jour de la fête de l’Annonciation par Bernard de Clairvaux (1090-1153).
– Ah! dit la Justice, je suis perdue si Adam ne meurt pas !
– Et moi, réplique la Miséricorde, je suis anéantie si l’homme n’est pas pardonné !
Il faut donc que la Mort lui devienne avantageuse et, par ce moyen, toutes les deux auront ce qu’elles demandent.
– Mais comment cela se pourra-t-il faire? Répartirent-elles. La Mort est cruelle et très amère; la Mort est terrible; son nom seul donne et horreur. Comment pourra-t-elle devenir bonne et utile ?
– Il est vrai, dit le Juge, que la mort des pécheurs est très méchante; mais la mort des justes peut devenir très précieuse. Quoi ! Cette mort ne sera-t-elle pas très précieuse qui est porte de la Vie et entrée dans la Gloire ?
– Sans doute répondirent-elles, il n’y aura rien de plus précieux. Mais comment cela se fera-t-il ?
– Cela se fera très aisément, dit le Juge, si Celui qui ne devait nul tribut à la Mort veut bien mourir par amour, car la Mort n’a pas le pouvoir de retenir l’Innocent dans ses fers. Le mur de séparation sera renversé. Une ouverture se fera au travers du chaos qui est entre la mort et la vie. En effet, l’amour est fort comme la mort, et même plus fort que la mort; de sorte qu’étant entré dans la maison du fort-armé, il le liera et lui arrachera tous ses biens; et par son message, il frayera un chemin dans le fond de la mer pour y faire passer tous ceux qu’il aura délivrés de leur captivité…
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… Mais où rencontrer cet Innocent, qui veuille mourir de sa propre volonté sans y être obligé, et de son bon gré, sans avoir mérité cette peine ?
La Vérité fait le tour de la terre, et elle ne trouve personne qui soit pur et sans tache…
La Miséricorde cherche par tout le ciel…
Elles reviennent au jour assigné, fort tourmentées de ne pas rencontrer ce qu’elles souhaitaient.
Le Roi, ayant entendu ce discours :
– Je me repens, dit-il, d’avoir créé l’homme, j’en ai du regret, et il faut que j’en porte la peine, et que je fasse pénitence pour l’homme que j’ai créé. Alors, Il dit absolument : Me voici tout prêt ; cette Coupe ne peut pas passer si je ne la bois moi-même.
Et aussitôt, ayant fait appeler l’archange Gabriel :
– Va, lui dit-il, annonce à la fille de Sion : Voilà ! ton Roi vient !
Cet esprit céleste, étant aussitôt parti, dit à Sion :
– Prépare ta chambre nuptiale, et reçois le Roi !
… Alors la Justice et la Paix, qui avaient été dans de grands différents, se donnèrent le baiser de la réconciliation… La Justice et la Paix se sont embrassées et ont contracté entre elles une amitié indissoluble, afin que quiconque aura en soi le témoignage de la justice soit reçu avec joie dans les doux embrassements de la paix pour y prendre un repos éternel.
